I arrived somewhat gradually at the idea of a new paradigm in musical practice, which I called the «Terza Pratica». The fact is, schematically the evolution of the European musical language can be divided into two main periods.The «Prima Pratica» is rooted in Christianity, which had the status of a state ideology. Despite the variety of musical styles used by composers in the 12th to 16th centuries whose names we know, the emotional objectivity principle prevailed: The emotional placidness, serenity and quietude were a reflection of the extramusical conceptions of the «music of the spheres», the «harmony of the universe», at the center of which was the Earth. At the time, rationality (the brain’s left hemisphere) reigned supreme in art and music served ideology.
The publication of Copernicus’ ideas in 1543 literally traumatized his contemporaries.The Earth turned out to be a province. That was of course a severe blow. There followed a subjective, personal expressiveness, with a vast spectrum of emotions-affects. Monteverdi defined this new aesthetics as the «Seconda Pratica» (with the supremacy of the brain’s right hemisphere) and, throughout the 17th-20th centuries, a whole musical mythology based on the tonality principle was born (with a major- minor, joy-suffering polarity). With his Symphonie Fantastique, Berlioz took place on Freud’s couch. In Mahler or Rachmaninov there is already such turmoil in the expression of extreme emotions that it becomes slightly «unhealthy». In the ensuing expressionism, one senses only anguish and despair.
In modern history, I believe the crucial turning point took place in 1945 with Hiroshima and Nagasaki. It became sufficiently clear that man had finally yielded to his «death drive» and his vocation as a sorcerer’s apprentice, dooming his own species to relatively short-term extinction. However, a tradition such as Tantrism teaches us that a diagnosis can certainly be made of the grim anomalies of our era, which «awoke energies that it could not control» (according to Pierre Feuga, a well-known specialist of Tantrism), but that it would be more constructive to encourage healing of society or concentrate on one's own inner transmutation and on the quest of the meaning and purpose of existence.
It was from this perspective that more than 30 years ago I started my musical stroll through traditional knowledge (Shamanism, Gnosis, Kabala, Sufism, Buddhism, etc.) to try and locate their inherent unity. I submitted to my inner guide.
Equally important for me were the ideas of Carl Jung, who worked out a synthesis between Buddhist thought (monumental psychology), Hinduism (philosophical spirituality) and the alchemical initiation rites. He believed that the initiatory aspect of his individuation concept would result from the meeting of conscience with subconscious archetypes such as the Persona, the Anima, the Shadow, etc.The purpose of this individuation process would be the concept of the Self, similar to the definition of the Atman (Brahman) in Hinduism. This view of the spiritual journey and the mandalas illustrating in a geometric manner our progress in the labyrinth towards our personality center, as well as the concept of the ascent of cosmic energy, Kundalini, through the 7 Chakras (psychic centers) in our body – this interdisciplinary process in the search for a return to spirit helped me arrive at a new musical paradigm: the Terza Pratica.And the essence of this new paradigm can be summed up with the phrase «Let The Heart Think», instead of «let the Heart express itself» which characterizes the Seconda Pratica. Within the context of the Terza Pratica - which views musical activity as a holistic and spiritual experience - the rituals, metaphisics of sacred numbers, initiation ceremonies in past societies such as purification rites, alchemical experiences and so forth, are being updated and foster the quest for individuation and the Self, in accordance with the terms of Jung’s analytical psychology or Hinduist worldview.
I am very much at home with this tendency of oriental mysticism to see the world with the «eyes of the heart». And yet, emotions are no longer directly expressed; they are explored and analyzed within the context of therapy in which the patient establishes a dialogue with oneself and becomes one’s own psychoanalyst. This creates a type of cognitive and intelligible emotions thanks to the use of arithmosophy (the analyst’s role being played by the numbers).
At the same time, I have the impression that this musical approach allows us to make the connection between the rational part of the brain and the right temporal lobe (source of spiritual energy) – the link that Dr. Morse talks about in his book Where God Lives.
And Fritjof Capra writes in hisTao of Physics that «physics and metaphysics are both inexorably leading to the same knowledge».
All my compositions are integrated into an overall work called Anthology of Archaic Rituals – In Search of the Center.
Translated by Maria Balkan
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Extraits de l’entretien accordé par A. Rabinovitch-Barakovsky à Elena Dubinets (2010)
C’est un peu progressivement que j’en suis venu à l’idée d’un nouveau paradigme dans la pratique musicale, que j’ai appelée la «Terza Pratica». Le fait est que du point de vue purement schématique, on peut diviser l’évolution du langage musical européen en deux périodes principales. La «Prima Pratica» a ses racines dans le christianisme, qui a reçu le statut d’idéologie d’Etat. Malgré la diversité des styles musicaux des compositeurs des 12ème- 16ème siècles, dont nous connaissons les noms, le principe de l’objectivité émotionnelle était prédominant – la placidité, la sérénité et la quiétude émotionnelles reflétaient les conceptions extramusicales de la «musique des sphères», de l’«harmonie de l’univers» dont le centre a été notre globe terrestre. A cette époque, le facteur rationnel (l’hémisphère gauche du cerveau) régnait en maître dans l’art et la musique était au service de l’idéologie.
La publication des idées de Copernic en 1543 a littéralement traumatisé ses contemporains – la terre était en fait une province. Ce qui, bien sûr, est une rude épreuve. Apparut une expressivité subjective, personnelle, avec un immense spectre d’émotions- affects.
Monteverdi a défini cette nouvelle esthétique comme la «Seconda Pratica» (avec suprématie de l’hémisphère droit) et au cours des 17ème-20ème siècles s’est formée toute une mythologie musicale basée sur le principe de tonalité (avec la polarité majeur-mineur, joie-souffrance).Avec la Symphonie fantastique, Berlioz se plaça sur le divan de Freud. Chez Mahler ou Rachmaninov, il y a déjà une telle turbulence dans l’expression des émotions extrêmes que cela en devient un peu «malsain». Dans l’expressionnisme qui suivit, on ne détecte que détresse et désespoir.
Dans l’histoire moderne, le tournant crucial s’est produit, à mon avis, en 1945 avec Hiroshima et Nagasaki. Il est devenu suffisamment clair que l’homme a finalement cédé à ses «pulsions de mort» et à sa vocation d’apprenti sorcier, en condamnant sa propre espèce à l’extinction à assez brève échéance. Cependant, une tradition comme le Tantrisme nous enseigne qu’on peut évidemment établir un diagnostic des anomalies sinistres de l’époque qui a «réveillé des énergies qu’elle ne peut contrôler» (selon Pierre Feuga, grand spécialiste du Tantrisme), mais qu’il serait plus constructif de favoriser la guérison de la société ou se concentrer sur sa propre transmutation intérieure et sur la quête du sens et de la finalité de l’existence.
C’est dans cette optique qu’il y a plus de 30 ans, j’ai entrepris mes promenades musicales à travers les savoirs traditionnels (le Chamanisme, la Gnose, la Kabbale, le Soufisme, le Bouddhisme, etc.) pour essayer de repérer leur unité fondamentale. Je me suis laissé conseiller par mon guide intérieur.
Tout aussi importante pour moi était la pensée de Carl Jung, qui a élaboré une synthèse entre la réflexion bouddhiste (psychologie monumentale), l’Hindouisme (spiritualité philosophique) et le rituel initiatique alchimique. Il considérait que l’aspect initiatique de son concept d’individuation résulterait de la rencontre de la conscience avec les figures archétypiques de l’inconscient tels que la persona, l’anima, l’ombre, etc. Le but de ce processus d’individuation serait le concept de Soi, analogue à la définition de l’Atman (Brahman) hindouiste. Cette vision du cheminement spirituel et les Mandalas qui illustrent de manière géométrique la progression dans le labyrinthe vers le centre de notre personnalité, ainsi que l’idée de la montée de l’énergie cosmique, Kundalini, à travers les Chakras, les 7 centres psychiques de notre corps – ce procédé interdisciplinaire dans la quête d’un retour à l’esprit m’a aidé à aboutir au nouveau paradigme musical:
la Terza Pratica.
Et l’essence de ce nouveau paradigme peut être résumée par l’expression «Laissez Penser le Cœur», à la place du «laissez s’exprimer le cœur» de la Seconda Pratica.
Dans le cadre de la Terza Pratica, qui sous-entend l’activité musicale en tant qu’expérience holistique et spirituelle, les rituels, la métaphysique des nombres sacrés, les cérémonies initiatiques dans les sociétés du passé telles que le rituel de purification, les expériences alchimiques et autres, deviennent réactualisés et motivent la quête de l’individuation et de Soi, en accord avec la psychologie analytique de Jung ou la vision du monde hindouiste.
Cette façon de la mystique orientale de voir le monde avec les «yeux du cœur» m’est très familière. Pourtant, les émotions ne sont plus directement exprimées - elles sont explorées et analysées dans le cadre d’une cure thérapeutique où le patient instaure un dialogue avec soi-même et devient son propre psychanalyste. Cela crée des sortes d’émotions cognitives et intelligibles grâce à l’emploi de l’arithmosophie (le rôle du psychanalyste est joué par les nombres).
En même temps, j’ai l’impression que cette approche musicale permet d’effectuer la connexion entre le côté rationnel du cerveau et le lobe temporal droit – source de l’énergie spirituelle –, le lien dont parle le Dr. Morse dans son livre La Divine Connexion.
Et Fritjof Capra écrit dans le Tao de la Physique: «La physique et la métaphysique débouchent inexorablement toutes deux sur un savoir identique».
Je réunis toutes mes œuvres dans une œuvre globale intitulée Anthologie des rituels archaïques – A la recherche du Centre.